dimanche 20 mars 2016

Vis ma vie d'homme des bois


Et donc je suis allée faire du camping pour la première fois de ma vie.

Je dis « pour la première fois de ma vie », c’est pas 100% juste, parce que j’ai déjà dormi sous une tente. Mais bon, c’était quand on allait en vacances en famille quand j’étais petite, et c’était quand même du bon gros camping de bourgeois – où on dormait sur des matelas dernier cri, avec des oreillers ergonomiques, les campings avaient des cabines de douche et des piscines, et on mangeait au restau.

(En fait, c’était comme l’hôtel, mais avec moins d’isolation.)

Du coup, c’était un petit choc culturel quand on est allés camper le week-end dernier avec Flaxou, qui avait l’habitude du camping des colos EDF (« Bon, la tente est percée, mais voilà un rouleau de scotch, démerde-toi ») et nos potes Stan et Larissa, qui, eux, avaient l’habitude du camping en Russie – où tu t’installes dans la forêt et tu te fabriques une hutte en brindilles.

(Grosso modo.)

Je te laisse donc imaginer les minutes de bidonnade qui ont suivi mon arrivée comme une fleur avec mon oreiller en plumes sous le bras :

- Je vois pas ce qu’il y a de drôle.
- Cha, en camping, on emmène pas des oreillers !
- Mais…sur quoi je suis censée mettre ma tête ?

Alors soi-disant qu’on doit rouler un pull en boule et dormir sur un tapis de sol fin comme une peau de chagrin, mais quoi, on est des animaux ??!

(Et pourquoi pas creuser un trou et aller mourir dedans.)

(Ça a l’air à peu près aussi fun.)

Mais bon, je fais ma mauvaise langue, mais c’était bien fun quand même.

À ceci près que j’ai pas dormi de la nuit parce qu’on s’est PEULE LES MEULES SEVERE, rapport au fait que :

1. C’est le début de l’automne et il commence à faire froid la nuit ;
2. On était juste à côté de la rivière et ouais d’accord c’est super joli mais niveau humidité ça se pose là ;
3. Flaxou et moi on avait acheté nos sacs de couchage au Warehouse comme les gros radins qu’on est, et du coup ils procuraient genre un degré de chaleur.

Flaxou, comme c’est un robot caché dans un corps d’humain, il a pas trop mal dormi :

- Par contre t’arrêtais pas de me réveiller avec tes dents qui claquaient, là.
- ….
- C’était super relou.



Par contre ça l’a fait bien rigoler en se réveillant de voir que j’avais mis la tente à sac pendant la nuit et que je m’étais recouverte de tout ce que j’avais trouvé – du coup je portais deux pulls, j’avais une paire de chaussettes aux pieds et une paire aux mains, et j’avais empilé les serviettes de bain par-dessus le sac de couchage pour tenter de maintenir un semblant de chaleur.

(Ça n’a pas marché.)

Mais à part ça, c’était vraiment sympa, le camping « pour de vrai ».

D’autant que les campings du Département de la Conservation, le confort trois étoiles c’est pas trop leur délire, cf. notre arrivée au camping où il n’y a pas d’employé, mais un panneau d’information, qui nous disait :

« Bienvenue au camping du DOC, veuillez déposer six dollars dans l’urne prévue à cet effet, et ensuite faites-vous plaiz. Y’a des toilettes sèches et on n’a pas l’eau courante, mais y’a la rivière alors vous pouvez boire là-dedans. »


Et j’avoue que c’était franchement le super kif de boire l’eau de la rivière (et de faire la vaisselle dans la rivière, et de me laver dans la rivière, et de me brosser les dents dans la rivière), BREF j’avais trop l’impression d’être un homme des bois.



(Sans compter qu’il y avait le frisson de transgresser des années d’interdits parentaux : « Non Charlotte, ne bois pas l’eau du ruisseau, tu vas être malade », AH OUAIS BEN REGARDE-MOI MAINTENANT MAMAN, T’ES A VINGT MILLE BORNES KESTUVA FAIRE ?)

Et aussi big up au DOC (et aux campeurs Kiwis), parce que ça fait trois ans que je suis en Nouvelle-Zélande et je devrais avoir l’habitude, mais y’a rien à faire, la propreté des toilettes dans ce pays est tout bonnement époustouflante.

(Ou alors c’est qu’en France on est juste une bande de gros porcs.)

(Au choix.)

Bref, c’était bien cool de camper à côté de la rivière, on a mangé des chips (t’entends ? DES CHIPS !) (3615 références obscures) et les traditionnelles viandes en conserve de quand t’es dans un endroit où y’a pas de frigo :



(Si l’on fait abstraction du visuel « pâtée pour chat », c’est franchement pas mal.)

Et on a joué au Scrabble et j’ai mis tout le monde a l’amende en casant « Exquisite » en mot compte triple avec le Q sur une lettre compte triple, comme quoi ça paye de passer des années à se faire chier chez mamie en regardant des Chiffres et des Lettres.

(En plus on pourrait penser que c’est facile de gagner au Scrabble contre Flaxou et ses désastreuses compétences en orthographe, mais il est assez costaud parce qu’il passe en mode « Professeur Flaxou le biologiste » et case tout son vocabulaire scientifique, alors c’est la débauche d’acides aminés.)

Donc c’était bien cool, en plus on a fait des belles balades dans les anciennes mines d’or de Karangahake Gorges, ou c’était l’aventure totale à base de ponts suspendus :


De rails abandonnés :



De manufactures à ciel ouvert avec option « champs de boulons »:



D’exploration de tunnels:



Et de CHARIOT MINIER ABANDONNÉ SÉRIEUX C’EST TROP COOL ON EST TELLEMENT INDIANA JONES C’EST GÉNIAL :


Et ça aurait été encore plus cool si j’étais pas tombée dans un ravin, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie.

Explications : Karangahake Gorges, comme son nom l’indique, c’est des gorges. Donc y’a des petits chemins plats qui longent le précipice, et on a une très jolie vue sur la rivière en contrebas.




Le souci, c’est que comme c’est très joli et plat, y’a environ huit mille joggeurs qui viennent faire de la course ici.

Et donc on était en train de marcher pépouze, j’ai entendu un mec qui haletait derrière nous, je me suis dit « Ha un coureur, je vais me mettre de côté pour le laisser passer », et j’ai fait un pas de côté. Sauf que j’étais déjà au bord du ravin et que donc, sur le côté, c’était le vide.



(J’avoue que je me suis sentie un peu comme le coyote de Bip-Bip et Coyote.)

Donc je suis tombée comme une couille, je me suis rattrapée tant bien que mal aux plantes qui poussaient le long du chemin, et le joggeur consterné est venu me secourir d’une mort certaine (quoi, t’étais pas là, okay ?) en se confondant en excuses parce qu’il était persuadé que c’était de sa faute si je m’étais jetée dans le vide.

Et maintenant, la même scène racontée du point de vue de Flaxou !

(Ouais, je prends des cours de marketing chez EL James, tavu.)

Bref bref : la même scène racontée du point de vue de Flaxou, cent mètres plus loin :

- J’ai entendu les gens qui faisaient « Han ! Est-ce que ça va ? » et j’ai tout de suite pensé « Merde, c’est encore Cha qui a trébuché sur son pied. » Je me suis retourné et j’ai vu un mec à genoux au bord du chemin, alors j’ai pensé « Ah non, je suis mauvaise langue. » Et ensuite j’ai vu le gars te hisser hors du ravin, et je me suis dit « Évidemment ».

Bref, maintenant j’ai des bleus partout et une future cicatrice bien badass sur le tibia.

(Faut juste que je m’invente l’histoire badass qui va avec.)

(Pour le moment, j’hésite entre « Je me suis jetée dans le vide pour sauver la vie d’un enfant » et « Je me suis faite attaquer par un ours comme Leo dans The Revenant »)

(Y’a pas d’ours en Nouvelle-Zélande, mais les gens sont des débiles.)

Bref, c’était un chouette week-end.


Épilogue :

- Alors maman, t’as vu mes photos du week-end ?

- Charlotte, qu’est-ce que je t’ai dit ?
- Hein ?
- Je te l’ai répété pendant des années que c’est pas bien de boire l’eau de la rivière !
- Mais elle était…
- Jamais tu m’écoutes !
- Je…
- Après on s’étonne que tu tombes dans les ravins !

(Okay.)

(Donc la distance n'est pas une protection contre la fureur maternelle.)

(Prenez note.)

1 commentaire:

  1. Comme disait ce vieux misogyne de Lao-Tseu : "si tu vas sous la tente, gare à ta mère. Mais si tu vas à la mer, gaffe à ta tante".

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