mercredi 3 septembre 2014

Nouvelle-Zélande et code du travail (spoiler alerte: y'en a pas)


Il y a trois choses qui me manquent depuis que j’ai quitté la France pour la Nouvelle-Zélande:

La première, c’est ma famille et mes amis.

La seconde, c’est la bouffe (mon royaume pour un croissant et un verre de Gewürtz).

La troisième, c’est le code du travail.

En arrivant en Nouvelle-Zélande, je m’attendais à ce que le code du travail soit grosso modo similaire à celui de la France. Et j’étais d’autant plus confiante que les Kiwis se vantent à mort de leurs lois super chouettes sur le travail qui, à les entendre, font couler des rivières de lait et de miel aux pieds des travailleurs tandis qu’ils marchent victorieux sur le dos des grands patrons vaincus.

(J’aime cette image.)

Sauf qu’en fait trop pas.

En fait, la seule raison pour laquelle les Kiwis peuvent considérer que leur code du travail est chouette, c’est parce qu’ils comparent leur pays à la Chine, à l’Inde et au Pakistan (d’où viennent la grande majorité des immigrants). Pays où, on le sait, le code du travail n’est pas le plus existant au monde.

Donc certes, ne crachons pas dans la soupe : le code du travail Kiwi a le mérite d’exister.

C’est à peu près son seul mérite.

Disons que, dans l’esprit très cool et relax du pays, on n’a pas tellement affaire à un « code » plutôt qu’à des « suggestions » du travail.




(Le code du travail en Nouvelle-Zélande, une allégorie.)

C’est ce qui fait que, depuis le début de mon boulot, je raconte ma vie professionnelle à ma famille et les entend régulièrement répondre des trucs du genre : « Nan mais attends là faut leur faire un procès » et autres « Non mais je te crois pas, renseigne-toi, ça c’est forcément illégal ! ».

Eh ben si.

Alterner un shift de soirée qui finit à minuit et un shift de journée qui commence à huit heures, ce qui me laisse en tout et pour tout cinq heures de sommeil par nuit ? C’est légal !

Me faire bosser la nuit sans me payer davantage que la journée ? C’est légal !

Me faire bosser le dimanche sans me payer davantage qu’en semaine ? C’est légal !

Me faire faire des heures sup sans les payer DU TOUT ? C’est légal !

Et, pour ceux que ça interloque, j’ai encore mieux : comme dit plus haut, en Nouvelle-Zélande, les heures sup ne sont pas payées. 

Bon. 

On s’attendrait donc à ce que les entreprises compensent ces heures en offrant le même nombre d’heure de congés. Et, dans la pratique, c’est le cas presque partout, mais ce n’est même pas obligé par la loi !  Non non ! Dans la loi, c’est genre « Si tu veux faire travailler tes employés plus que 40 heures par semaine de temps en temps, fais-toi plaiz, gros ! Pas besoin de les payer, pas besoin de les compenser, la vie est belle sous le soleil ! ».

(C’est pas la citation exacte, mais le ton y est.)

Et je te passe les histoires de mes jours de congés.

(En fait non, je te les passe pas, je vais te les raconter.)

Donc, la loi néo-zélandaise oblige les entreprises à accorder deux jours de congé par semaine à ses employés.

(Bouuuuuh.)

(Quelle bande de rabat-joie, ceux-là, dis donc.)

Mais ce qui est fun, c’est que les jours de congés n’ont ni besoin d’être pendant le week-end, ni besoin d’être côte à côte.

Concrètement, ça veut dire que j’ai eu la joie d’expérimenter des plaisirs inconnus, comme la délicieuse « semaine sans week-end » :

- Donc tu commences lundi, mardi t’as congé, tu reviens mercredi, jeudi t’as congé, et puis tu travailles du vendredi matin au dimanche soir, et tu recommences le lundi. Des questions ?

Ou encore la sublime « semaine de 10 jours » :

- Patron ?
- Oui ?
- J’ai vu le planning de cette semaine, tu trouves pas qu’il y a comme une couille dans le pâté ?

(Ah ouais, je suis une vraie Kiwie maintenant, j’ai maîtrisé l’art du « parles à ton patron comme si c’était ton pote ».)

- Non, je vois pas le problème.
- Ben, je bosse 10 jours d’affilée sans congé.
- Oui, ben je vois toujours pas le problème.


(Je vais te cramer les rétines au fer rouge et tu vas peut-être le voir, le problème.)

Et le patron de m’expliquer doctement qu’il n’y avait pas de problème, puisque :

- Cette semaine, tes jours de congé, c’est lundi et mardi. La semaine prochaine, tes jours de congé, c’est samedi et dimanche. Donc oui, tu bosses 10 jours d’affilée, mais sur une semaine de 7 jours, tu as les 2 jours de congé pour chaque semaine. Donc c’est légal !

Eh ouais ! Donc non seulement je me tape 10 jours de boulot d’affilée, soit 80 heures, sans congés au milieu et sans compensation aucune (puisque si tu penses encore qu’on te file un salaire plus élevé le dimanche tu peux te toucher le slip), mais en plus, pour me remercier de me crever à la tâche, on m’offre un week-end de DEUX JOURS pour m’en remettre.

(Trop aimable.)

(Là ça va, j’en suis au huitième jour, j’ai presque pas envie de planter des haches dans le crâne de Ploc quand il me demande comment on utilise la fonction « répondre à tous » sur un e-mail.)

Et c’est le même genre de rigolade pour les congés maladie.

J’ai d’ailleurs impressionné mes collègues de bureau (composés de Russes, Indiens et Coréens) qui disaient qu’ils étaient bien contents qu’en Nouvelle-Zélande, on ait droit à 5 jours de congés maladie par an, merci patron vous êtes bien urbain, parce que dans leurs pays respectifs on avait droit à beaucoup moins/rien du tout.

- Et en France, Charlotte, vous avez droit à combien de jours par an ?
- Bah….autant qu’il en faut.


(Viens vers la lumière de l'Hexagone, petit Coréen.)

- Y’a pas de limite ?
- Ben non y’a pas de limite, tu peux pas prévoir quand tu vas tomber malade !

Ben oui ! C’est logique, non ?

Mais ce qui me semble normal, à moi petite Froggie, ça semble complètement aberrant chez le ministère du Travail néo-zélandais.

Ah ouais, parce que chez les Kiwis, tu PLANIFIES quand tu vas tomber malade !

Explications : en Nouvelle-Zélande, on a droit à 5 jours de congés maladie payés par an, ET C’EST TOUT. Si t’as la malchance de choper une angine la même année qu’une grippe, tu peux quand même prendre des jours de congés, mais c’est des congés sans solde, et ton patron n’est pas obligé de te les accorder – même si, dans la pratique, il a pas vraiment le choix, faut arrêter la déconne deux minutes.

(Surtout que, vu les germophobes que sont les Kiwis, l’idée même d’avoir un employé contagieux en train de répandre ses microbes au bureau suffirait à provoquer une émeute.)

En règle générale, dans les entreprises bonne pâte (= pas la mienne), les patrons généreux t’autorisent à prendre des congés maladie d’avance si tu as déjà dépensé tes 5 jours par an. (Après par contre faut te tenir à carreaux pour pas tomber malade l’année suivante.)

(Fiou, c’est dur à suivre.)

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut reporter les jours sur l’année suivante si on ne les a pas pris, et accumuler jusqu’à 20 jours de pactole, soit l’équivalent d’une bonne grippe suivie d’une grosse gastro. (Le luxe !)

Et je te passe les emplois du temps créés à la va-vite, les "Charlotte faut que tu restes deux heures de plus ce soir" et autres "Tu fais quelque chose ce week-end? Ben plus maintenant".

Heureusement, j'ai fini par trouver la parade pour pouvoir encore profiter un peu de ma vie (parce que je sais bien que j'ai pas la vie sociale la plus épanouie du monde, mais je viens d'acheter les extensions de Skyrim alors excuse-moi mais j'ai du pain sur la planche).

Comme les Kiwis ont une peur maladive de la confrontation, la clé, c'est de ne pas leur laisser le choix. Faut râler, faut s'imposer, bref : faut être français.


Et j'ai remarqué que j'ai de bien meilleurs résultats depuis que mes demandes de congés se sont transformées de ça:

- Patron? Je vous dérange pas? J'en ai juste pour deux minutes hein, promis. Ho elle est fort jolie cette chemise dis donc! Hm... Bon alors en fait je me demandais si des fois ce serait pas possible éventuellement de prendre un jour de congé samedi prochain? J'ai des amis qui se marient, en fait c'est mes colocs, donc c'est un peu important.... mais si c'est pas possible c'est pas grave hein! Je me débrouillerai. J'irai à l'église avec ma chemise de travail, pas de souci.


En ça:

- Yo patron! Samedi prochain, raye-moi du planning, je serai pas là. Pigé?


(Ma sortie du bureau après cette conversation, une allégorie.)

Donc je gère, je cartonne, je suis une boss.

Mais bon, après, je bosse quand même 40 heures par semaine.


(J'ai l'impression de m'être faite enfler quelque part.)

2 commentaires:

  1. C'est marrant j'ai un peu les mêmes conditions de travail :D mais en France ! Ça s'appelle "l'emploi saisonnier" et avec ça tu peux payer les gens le dimanche autant que les autres jours, pareil pour les jours fériés ou les heures de nuit, tu peux les faire travailler le soir jusqu'à 23h30 puis les faire retravailler le lendemain matin, et il faut un jour de congés par semaine mais ça marche si y'a plus de sept jours entre deux jours de congés.
    Tout pareil !
    (Par contre j'ai pas testé la pose de jours de maladie, je suis vaillante malgré la température top-top de la cathédrale.)
    (Et ils payent les heures sup' aussi. Au tarif SMIC horaire mais c'est payé !)

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  2. "Yo patron"…
    Comme tu dis : faut être français.
    Et, tant qu'à faire, dans les environs de Colmar, nom d'une cigogne !… :D

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